Empreinte biodiversité : quelles métriques pour quelles informations ?

Trois dimensions essentielles pour évaluer l’état de la biodiversité
La biodiversité se compose de trois aspects principaux : la diversité génétique, la diversité spécifique et la diversité des écosystèmes. Chacun joue un rôle important pour maintenir l’équilibre de la vie sur Terre.
🔹 La diversité génétique : Cela désigne la variété des gènes au sein d’une même espèce. Cette diversité permet aux espèces de s’adapter par sélection naturelle aux différents changements qui interviennent dans leur écosystème. Plus elle est élevée, plus les capacités d’adaptation sont importantes. Ainsi, une espèce aura plus de chance de résister à une maladie et d’assurer sa survie si elle possède une diversité génétique importante.
🔹 La diversité spécifique : Elle correspond au nombre d’espèces présentes dans un écosystème. Chaque espèce joue un rôle unique, par exemple dans la pollinisation ou le recyclage des nutriments.
🔹 La diversité des écosystèmes : Cela inclut la variété des habitats naturels comme les forêts, les océans ou les prairies. Chaque écosystème abrite des interactions complexes entre les espèces et leur environnement, soutenant ainsi la vie sur Terre.
Ces trois aspects sont liés et essentiels pour le bon fonctionnement des écosystèmes. Leur disparition ou dégradation affecte directement la santé de notre planète.

Les espèces, un indicateur clé de l’empreinte biodiversité
Les mesures de l’empreinte biodiversité se concentrent sur la diversité des espèces, car elles sont plus faciles à observer et à recenser que les gènes ou les écosystèmes. On peut suivre leur évolution avec des indicateurs comme l’abondance des populations, le taux d’extinction et les changements de zones de présence. Certaines espèces jouent même un rôle crucial dans le maintien de l’équilibre écologique ; leur disparition peut entraîner des déséquilibres majeurs.
A l’inverse, la diversité génétique est plus difficile à évaluer à grande échelle. De même, la diversité écosystémique, bien qu’importante, est complexe à mesurer en raison des nombreuses interactions écologiques.
En résumé, les indicateurs d’espèces sont les plus faciles à utiliser pour évaluer l’impact des activités humaines sur la biodiversité. Ils offrent aussi une vision claire des changements qui se produisent.
L’aspect temporel, un élément clé
Il est important de distinguer l’état de la biodiversité et le changement de la biodiversité :
🔹 L’état de la biodiversité est une photographie à un instant donné de la diversité biologique, que ce soit au niveau génétique, spécifique ou écosystémique. Il inclut des indicateurs comme le nombre d’espèces, leur abondance et la qualité des habitats.
🔹 Le changement de la biodiversité fait référence à l’évolution de cet état au fil du temps. Il peut indiquer une amélioration ou une dégradation de la biodiversité, sous l’effet de facteurs naturels ou humains. Ce phénomène, que l’on peut appeler la « dynamique de la biodiversité », capture les tendances et transformations qui affectent la biodiversité au fil des années.
Deux concepts permettant d’évaluer les espèces : comprendre la différence
L’abondance spécifique et la richesse spécifique sont des concepts essentiels pour mesurer la biodiversité d’un écosystème. Ces deux indices permettent d’évaluer la diversité biologique, mais chacun a un focus différent.
🔹 La richesse spécifique désigne le nombre total d’espèces présentes dans un écosystème ou un habitat donné. Plus un milieu abrite d’espèces variées, plus sa richesse spécifique est élevée. Cet indice est crucial pour évaluer la diversité biologique d’un environnement et sa capacité à soutenir différentes formes de vie.
🔹 L’abondance spécifique, en revanche, se réfère à la densité d’individus au sein d’une espèce particulière dans un écosystème. Elle mesure la distribution des espèces et leur fréquence relative par rapport aux autres espèces. Tandis que la richesse spécifique évalue la diversité des espèces présentes, l’abondance spécifique donne une idée de la répartition de ces espèces au sein du milieu.
Ces deux indices sont complémentaires. La richesse spécifique nous renseigne sur la variété des espèces, tandis que l’abondance spécifique indique la quantité de chaque espèce. Ensemble, ils permettent d’obtenir une image complète de la santé et de la stabilité écologique d’un écosystème, en montrant à la fois la diversité et la distribution des espèces.
Evaluer l’empreinte biodiversité : MSA et PDF, deux indicateurs clés
Pour comprendre l’impact des activités humaines sur la biodiversité, deux principaux indicateurs sont utilisés : le MSA (Mean Species Abundance) et le PDF (Potentially Disappeared Fraction of species). Ces métriques sont essentielles pour évaluer l’état de la biodiversité et les risques qui pèsent sur elle.
🔹 Un indicateur d’abondance : le MSA (Abondance Moyenne des Espèces)
Il mesure l’abondance des espèces au sein d’un écosystème, en le comparant à un état naturel préservé. Cet indice varie de 0 % (biodiversité fortement altérée) à 100 % (biodiversité totalement préservée). Il permet d’évaluer l’impact des activités humaines en montrant comment elles affectent l’abondance des espèces dans un environnement donné.
🔹Un indicateur de richesse : le PDF (Potential Disappeared Fraction of species – Fraction Potentiellement Disparue d’espèces)
Il évalue le risque de disparition des espèces en raison de perturbations, telles que la pollution, la déforestation ou l’extension urbaine. Cet indicateur estime la probabilité qu’une partie des espèces présentes dans un écosystème soit menacée de disparition en fonction de l’intensité des pressions exercées sur cet écosystème.
En résumé, le MSA se concentre sur l’abondance des espèces et la santé écologique d’un environnement, tandis que le PDF mesure la richesse spécifique en indiquant le risque de disparition des espèces sous l’effet des pressions humaines. Ensemble, ces deux indicateurs offrent une bonne vision des défis actuels liés à la biodiversité.
La Figure 1 ci-dessous montre sur un exemple fictif d’évolution des espèces sur un territoire sur un intervalle de temps de T0 à T1.
Figure 1 : cas fictif d’un écosystème composé de 7 espèces observé à T0 (état de référence) et T1 (après perturbation). Une espèce disparait complètement, indiquant la perte d’une espèce (croix rouge). La plupart des autres sont composées d’individus moins nombreux (perte d’abondance).
Le Tableau 1 ci-dessous montre les calculs en résultant pour les deux indicateurs : MSA et PDF.
Tableau 1 : description des concepts d’abondance et de richesse spécifique appliqué à la Figure 1 ci-dessus.
Ici, la perte d’espèce est d’une sur 7 soit 12%. L’abondance à T1 est de 60% de l’abondance à T0, correspondant à un MSA de 60%.
La perte d’abondance est ainsi de 40%, quand la perte d’espèce est de 12%. L’indicateur d’abondance MSA est donc plus précoce que l’indicateur PDF.
/ !\ Attention cependant, le MSA représente les espèces qui restent, quand le PDF représente les espèces disparues.

PDF, une mesure multi-échelle
Le PDF (Potentially Disappeared Fraction of species) est un indicateur clé pour mesurer l’impact des activités humaines sur la biodiversité. Il s’évalue à trois niveaux : local, éco-régional et global. Le tableau ci-dessous éclaire les différences dans l’approche multiniveaux.
Tableau 2 : description des trois échelles de PDF, et illustration de ce que signifie chacune d’entre elle pour une création de parking de 3 m2.
- Au niveau local, il quantifie la perte d’espèces sur un site spécifique, par exemple après une déforestation ou un projet industriel. Cette unité est rapportée à la surface couverte. Exemple : disparition d’un coléoptère sur 1000 m2 lors de la construction d’une route.
- À l’échelle de l’écorégion (une zone regroupant des écosystèmes qui sont similaires d’un point de vue écologique), le PDF aide à évaluer l’impact cumulé de différentes pressions humaines, comme l’agriculture intensive ou l’extension urbaine. Le calcul est indépendant de la surface de l’écorégion. Exemple : disparition de l’ours des Pyrénées, réintroduit par la suite avec des ours de Slovénie.
- À l’échelle mondiale, il estime la proportion d’espèces menacées par des facteurs globaux comme le changement climatique et la destruction des habitats. Le calcul est indépendant de la surface de l’écorégion. Exemple : disparition définitive du Dodo de l’océan indien au milieu du 19ème siècle
Voir ci-dessous le cas fictif d’un monde composé de deux écorégions, avec des variations de biodiversité éco-régionale et globale.
Figure 2 : cas fictif d’un monde composé de deux écorégions et comportant uniquement trois espèces. Illustration de la différence entre la perte d’espèce éco-régionale entre deux dates T0 et T1, exprimée en PDFreg ainsi que le résultat correspondant en perte d’espèce globale exprimée en PDFglo.
Grâce à cette approche multi-niveaux, le PDF offre une vision complète des risques pesant sur la biodiversité, permettant aux entreprises et aux décideurs d’agir de manière plus ciblée pour limiter leur empreinte environnementale.
MSA et PDF : deux indicateurs complémentaires
Le tableau ci-dessous fait la synthèse des éléments vus plus haut.
Critère | MSA (local) | PDF local | PDF écorégional | PDF global |
Nature de l’indicateur | Mesure l’état écologique d’un site via l’abondance moyenne des espèces | Mesure la fraction potentiellement disparue des espèces sur un site donné | Estimation des pertes cumulées d’espèces à l’échelle d’une région entière | Synthèse des pertes d’espèces à l’échelle mondiale |
Échelle spatiale | Locale | Locale | Région écologique entière | Monde entier |
Pressions évaluées | Changements locaux (urbanisation, agriculture, pollution) | Idem, mais en mesurant la disparition potentielle d’espèces | Pressions cumulées sur une région (déforestation généralisée, changement climatique régional) | Pressions mondiales (changement climatique, perte d’habitats, pollution mondiale) |
Résultat | Score entre 0 et 1 (0 = biodiversité détruite, 1 = intacte) | Score entre 0 et 1 (0 = aucune perte d’espèces, 1 = extinction totale) | Score moyen des PDF locaux d’une écorégion | Agrégation des PDF régionaux pour une vision mondiale |
Temporalité | Court à moyen terme | Court à moyen terme | Moyen à long terme | Long terme |
On voit que les indicateurs fournissent des informations différentes sur la biodiversité.
- MSA et PDF local sont des mesures locales :
- Le MSA mesure l’état général de la biodiversité sur un site, en se basant sur l’abondance des espèces restantes. par extension, il peut aussi fournir la variation d’abondance lié à une pression donnée.
- Le PDF local se concentre sur les pertes d’espèces potentielles dans ce même site.
- Un MSA élevé ne signifie pas nécessairement un PDF local faible (par exemple, un écosystème peut être en bon état globalement mais avoir perdu une ou plusieurs espèces clés)
- PDF écorégional et global sont des agrégations plus larges :
- Le PDF écorégional est une somme des PDF locaux, prenant en compte l’ensemble des sites d’une même région écologique. Il intègre des effets cumulatifs, comme la fragmentation des habitats.
- Le PDF global synthétise toutes les pertes mondiales, incluant des effets que le PDF local ne capture pas (ex. migration des espèces, pertes dues au climat).
Conclusion
Ainsi, l’utilisation conjointe de ces indicateurs est utile pour comprendre les dynamiques locales et globales de la biodiversité et éviter des biais liés à une analyse isolée d’un site ou d’une région.
- Le MSA et le PDF local sont des indicateurs locaux, mais ils mesurent des aspects différents (état général vs. disparition potentielle d’espèces).
- Le PDF écorégional et le PDF global élargissent l’échelle d’analyse, permettant une vision plus complète des pertes cumulées à des niveaux régionaux et mondiaux
Cependant, les métriques actuelles sont utilisées isolément. Le MSA est surtout utilisé pour les empreintes « corporate », au niveau des engagements RSE des entreprises. C’est la métrique du « Global Biodiversity Score » (GBS) de CDC biodiversité. C’est également la métrique du « Corporate Biodiversity Footprint » (CBF) de Iceberg Data Lab et I-Care by Bearing Point.
Le PDF, quant à lui, est privilégié dans les empreintes « produits » et information consommateur. Il existe des liens entre les différents niveaux de PDF : local, régional et global.
Le monde de la recherche travaille actuellement sur les liens entre MSA et PDF, mais ceux-ci ne sont pas triviaux. Plus de nouvelles prochainement !
En quoi Sayari peut vous aider ?
Chez Sayari, nous savons ce que chacun des indicateurs mesure, et ne mesure pas, nous pouvons vous conseiller la meilleure métrique en fonction de la question que vous vous poser. Nous pouvons vous aider à faire les liens entre les différents niveaux.
De façon plus générale, notre bureau d’études travaille régulièrement sur des empreintes biodiversité pour des entreprises ou des produits. Nous vous accompagnons à travers plusieurs étapes :
- État des lieux
- Analyse de double matérialité
- Priorisation des actions
- Définition des objectifs et d’une trajectoire
- Identification des indicateurs de suivi
Avec cette approche, nous aidons les entreprises à réduire leur impact environnemental de manière ciblée et efficace.
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