#LeMondedApres : vers une alimentation saine, durable et abordable
Par Anne-Claire Asselin
La crise inédite que nous vivons nous propose une opportunité unique vers une alimentation durable. Pour cela, il nous faut travailler conjointement sur l’offre – la production – et la demande – la consommation.
La crise inédite que nous sommes en train de vivre nous enjoint à nous réinventer, et en particulier réinventer l’alimentation. Il s’agit bien sûr de réfléchir aux modes de production, comme beaucoup d’experts le soulignent. Mais pas seulement. La crise a aussi remis en question nos modes de consommation, et nous avons entre nos mains l’opportunité de construire un système alimentaire durable. Pour cela, il nous faut travailler conjointement sur l’offre (la production) et la demande (la consommation).
Une production agricole plus respectueuse de la nature et des écosystèmes.
La crise nous a permis de réaliser à quel point les agriculteurs sont précieux dans nos sociétés. Ils couvrent un besoin humain essentiel. Les voix de l’ « agri-bashing » se sont tues.
En même temps , de nombreux appels à un changement de paradigme dans la production agricole se font entendre, pour une évolution de l’«agro-industrie» à l’ «agroécologie».
Que veut dire agroécologie ? Il s’agit de coopérer avec la nature pour mieux produire, et durablement. Il ne s’agit pas d’une mode. Les techniques d’agroécologies sont précises, elles font l’objet de multiples recherches scientifiques. Elles respectent le sol vivant, les rotations des cultures, les écosystèmes et les services qu’ils apportent, comme la pollinisation. Elles n’excluent pas, au contraire, les techniques et les innovations les plus avancées : digitalisation, techniques de précision, intelligence artificielle…
Cependant, changer les modes de production ne suffira pas pour aboutir à des systèmes alimentaires respectueux de la santé, abordable et durables. Il nous faut dans le même temps réinventer notre consommation et nos régimes alimentaires.
Réinventer notre consommation
Nous avons dû, pendant cette période de confinement, changer nos modes de consommation. La majorité des consommateurs se sont approvisionnés dans leur supermarché local, les drives ou via des circuits courts. Ils ont cuisiné, découvert des recettes, eu recours au « fait maison ». Nous sommes passés presque instantanément du « beaucoup » au « mieux ».
Les entreprises de l’agroalimentaire peuvent et doivent se saisir de cette opportunité. Nous sommes dans un contexte d’évolution des régimes alimentaires. Dans un avis du mois de septembre dernier, le Ministère de la Santé recommande plus de de produits végétaux, et en particulier de protéines végétales, plus de légumineuses, d’huiles végétales (acides gras poly-insaturés), plus de fruits à coques, et moins de viande.
Cette évolution a un triple avantage.
En premier lieu, comme déjà évoqué, la nutrition – santé.
En second lieu, l’environnement : des études menées dans différents pays d’Europe (WWF Livewell en particulier) montrent qu’elle permet de réduire de 30% l’empreinte carbone de notre alimentation, sans bouleversement majeur de nos habitudes alimentaires.
En troisième lieu, elle permet au consommateur, de plus en plus exigeant et connecté, de bénéficier d’une alimentation meilleure pour sa santé et l’environnement à un coût maîtrisé. L’alimentation doit rester accessible, dans un contexte économique qui s’annonce morose.
Pour une trajectoire 2 degrés
L’alimentation représente en France autour de 20 % de nos émissions de gaz à effet de serre. Ce n’est pas simplement en faisant évoluer nos modes de production que nous atteindrons les objectifs de l’accord de Paris.
L’étude WWF Livewell, au Royaume Uni, a montré que nos régimes alimentaires devaient évoluer pour respecter cette trajectoire. La bonne nouvelle, c’est que l’évolution va dans le même sens que les recommandations pour la santé et la nutrition : plus d’huiles végétales, plus de légumineuses, plus de fruits à coque, et moins de viande.
Une approche systémique
Consommation et production sont intimement imbriquées. L’offre s’ajuste à la demande autant que la demande s’ajuste à l’offre. L’alimentation s’inscrit dans un temps long. Il faut une année à l’agriculteur pour produire, et la rotation des cultures lui impose d’anticiper la demande. Les évolutions de la consommation sont de ce fait contraintes par ce même pas de temps.
N’attendons donc pas pour réinventer, en même temps que la production, une consommation plus vertueuse pour la santé et l’environnement. Anticipons la tendance de fond et concilions dès à présent consommation et production pour une alimentation saine, durable, et accessible à tous.
Membre du Comité consultatif technique du PEF (Product Environmental Footprint).
Membre du comité des partenaires de l’affichage environnemental