L’océan, on le voit parfois un peu comme une immense masse d’eau inerte et froide avec ses seulement un peu plus d’un milliard de kilomètres cubes [1]… (et un kilomètre cube, c’est un peu plus de 300 000 piscines olympiques) Et pourtant…

…On peut dire qu’il cache bien son jeu.

Si on remonte le temps, on se rappelle que les océans ont été le berceau de la vie il y a quelques 4 milliards d’années. Sans océan, pas de vie.

On a placé quelques jalons de l’histoire de la vie sur Terre (ou plutôt avant tout, de la vie sur notre planète bleue). On retient :

• Aucune espèce n’est apparue directement sur les continents, l’origine de toute forme de vie sur Terre s’est faite dans les océans.
• Le début de la ‘conquête des continents’ par des organismes complexes a débuté il y a un peu moins de 500 millions d’années, ce qui est très récent à l’échelle de la planète.
• Il faut attendre les premiers pollinisateurs pour voir un véritable boom des espèces terrestres.

Sources : L’histoire de la vie sur Terre, Muséum d’Histoire Naturelle, De l’apparition de la vie dans l’océan ancestral à l’émergence de l’Homme par Gilles Bœuf, Collège de France.

Alors, si au départ l’océan c’est le début de la vie sur Terre, quels services nous rend-il concrètement aujourd’hui ?

À l’image de la diversité des écosystèmes et mosaïque d’habitats qu’il comporte : océans profonds, littoraux, mangroves, herbiers, estrans [2], etc, l’océan nous rend une panoplie de services très larges et hétérogènes.

Nous avons donc décidé de dresser un panorama de ces services, de ces bénéfices que la nature (ici les océans) procure aux humains [3]. Ces services incluent des services dits ‘écosystémiques’, c’est à dire des bénéfices liés aux écosystèmes. Ils sont souvent groupés dans différentes catégories, nous utiliserons dans cet article une des classifications la plus commune. Gardons toutefois à l’esprit par la suite qu’une grande partie de ces services est probablement encore inconnue ou mal comprise. Les services ne se limitent pas à ceux fournis par les écosystèmes, les océans procurent d’autres bénéfices comme des ressources non renouvelables (minerais, énergies fossiles, etc.).

Des services d’approvisionnement

Les services d’approvisionnement sont souvent ceux auxquels nous pensons en premier : les ressources et produits obtenus à partir des écosystèmes. Parmi eux :

▶️ On pensera directement aux ressources alimentaires telles que les poissons, les crustacés, les mollusques mais aussi les algues, tant pour la consommation humaine qu’animale.

• La FAO a comptabilisé près de 100 millions de tonnes de poissons sauvages capturés dans le monde en 2022.
• Selon WWF, plus de 800 millions de personnes dans le monde seraient dépendantes de la pêche comme moyen de subsistance.

Mais l’océan est un fournisseur d’autres ressources moins connues :

▶️ Des matières premières, qu’elles soient biosourcées (issues du vivant) ou minérales : sables, graviers siliceux et calcaires, algues coralligènes, etc [4]. Ou encore des sels (et pas que celui de table que nous connaissons bien !), des métaux dont les ressources sont parfois très contraintes sur les continents, diamants ou encore tout simplement de l’eau (pour désalinisation, systèmes de refroidissement, aquaculture, etc.) [5].

▶️ Des ressources biochimiques et génétiques :

• Des molécules : bioplastiques produits par des bactéries, les carraghénanes produits par les algues rouges utilisés comme agent gélifiants et épaississant par l’industrie agroalimentaire, des enzymes, etc.
• Des ressources génétiques dans l’ensemble des espèces marines qui sont un réservoir d’informations génétiques potentiellement utiles pour la recherche. Par exemple le laboratoire Hemarina a découvert une hémoglobine universelle dans un ver marin qui lie 40 fois plus d’oxygène que l’hémoglobine humaine et qui permettrait d’améliorer la qualité de vie de patient atteints de diverses maladies ainsi que de mieux préserver les organes avant transplantation [6]. L’AZT, une substance utilisée pour le traitement du SIDA dans des médicaments comme le Retrovir, a été à l’origine isolée du sperme de hareng [7].

▶️ Des ressources en énergies dont des renouvelables :

• Des hydrocarbures sous-marins exploités sur des plateformes off-shore
• Des hydroliennes, qui fonctionnent grâce aux courants marins
• Des marémotrices qui fonctionnent grâce à la puissance des marées et à la différence de hauteur d’eau mesurée entre des marées hautes et basses consécutives. L’exploitation de cette énergie nécessite l’installation d’infrastructures assez lourdes comme un barrage. L’usine de la Rance en France est la seule en France et la 2^e plus grande usine marémotrice au monde [8].
• L’éolien offshore
• L’énergie thermique des mers (différence de température entre eaux superficielles et plus profonde) ou encore l’énergie osmotique basée sur la différence de salinité entre eau de mer et eau douce

Des services de régulation

▶️ Un rôle historique de régulation du climat [9] :

• L’océan joue un rôle crucial dans la régulation naturelle du climat terrestre depuis des millions d’années. Sa capacité thermique exceptionnelle, environ mille fois supérieure à celle de l’atmosphère, lui permet d’absorber et de stocker d’énormes quantités d’énergie thermique. Ce processus se caractérise par un réchauffement et un refroidissement très lents, ce qui contribue à stabiliser le climat global.
• Les courants marins sont essentiels dans cette régulation, redistribuant l’énergie thermique à travers la planète. Les masses d’eau chaude en surface transportent la chaleur des tropiques vers les pôles, réduisant ainsi les écarts de température. Parallèlement, des courants froids circulent en profondeur dans la direction opposée, créant un « tapis roulant » océanique qui équilibre la distribution thermique mondiale.
• Certains micro et macro-organismes marins fixent des gaz à effet de serres naturellement produits dans les océans (par exemple le méthane libéré au niveau des cheminées hydrothermales), et empêchent ces gaz de pénétrer dans la colonne d’eau, et à terme dans l’atmosphère.

▶️ Atténuation du réchauffement climatique d’origine anthropique [9] :

• Si les océans ont toujours joué un rôle dans l’équilibre climatique, ils assument aujourd’hui une fonction supplémentaire : celle de modérateur du réchauffement causé par les émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine.
• L’excès de chaleur généré par les activités humaines via les gaz à effet de serre est en majeure partie absorbée par les océans qui ont un effet modérateur sur le climat et ses changements
• Les océans absorbent de grandes quantités de CO₂ : le dioxyde de carbone atmosphérique se dissous naturellement en surface des océans, des micro-organismes comme les phytoplanctons produisent de la matière organique primaire à partir de ce CO₂ et de lumière (c’est la photosynthèse). Cette matière organique primaire est ensuite utilisée par toute la chaîne trophique d’espèces marines et transférée vers les couches profondes de l’océan sous forme de particules (organismes morts, déjections, etc.).

▶️ Les milieux marins et littoraux participent activement à la régulation de l’érosion et de risques naturels :

• Les herbiers marins (posidonies en Méditerranée, zostères dans l’Atlantique) atténuent la houle et limitent l’érosion en stabilisant les fonds et réduisant la vitesse des courants [10].
• Les mangroves, écosystèmes à l’interface entre la terre et la mer réduisent la capacité des vagues à éroder les sédiments. L’enchevêtrement de racines et branches permet de réduire la hauteur et l’énergie des vagues, et donc de limiter les impacts de phénomènes extrêmes comme ceux des tsunamis [11].

▶️ Assainissement des eaux :

• Certains organismes marins contribuent à la régulation de la qualité de l’eau via leur capacité de filtration (mollusques bivalves, bactéries, etc.). Ce processus est particulièrement efficace dans certains écosystèmes côtiers comme les mangroves.
• Les océans régulent également la concentration de nutriments dans l’eau, notamment via le phytoplancton qui absorbe des nutriments comme l’azote et le phosphore.

Des services de support

Les services écosystémiques de support (ou soutien) sont les services fondamentaux nécessaires à la production de tous les autres services. Ce sont eux qui créent les conditions de base essentielles au développement de la vie sur Terre. Leurs effets sont indirects et se manifestent souvent sur le long terme.

▶️ Participation aux cycles biogéochimiques naturels de la Terre :

• L’océan est un acteur majeur du cycle de l’eau comme réservoir d’eau majeur et lieu d’évaporation. Les courants océaniques contribuent également à la redistribution de chaleur à l’échelle planétaire [12]
• Participation au cycle du carbone (voir la partie sur les services de régulation)
• Participation à d’autres cycles biogéochimiques tels que le cycle de l’oxygène ou de certains nutriments comme le phosphore. L’océan est notamment un producteur majeur d’oxygène pour nous, plus important encore que ces forêts que l’on appelle les ‘poumons verts’ de la planète.

▶️ Formation et stabilisation des sols :

• La sédimentation marine de particules minérales et biologiques qui se déposent sur les fonds océaniques forme des couches sédimentaires qui peuvent devenir des sols.
• Certains organismes marins comme les algues calcaires et les coraux participent à la formation des sols.
• Certains écosystèmes côtiers jouent un rôle crucial dans la stabilisation des sols. C’est le cas des herbiers marins et mangroves mentionnés dans les services de régulation, mais aussi des marais salants qui ralentissent les courants et piègent les sédiments.

▶️ Lieux d’habitat

• Les océans offrent une diversité importante d’habitats propices à la prolifération de nombreuses espèces marines mais aussi terrestres. Par exemple les mangroves sont de véritables nurseries pour une grande variété d’espèces de poissons, mais sont aussi un lieu d’habitat pour de nombreuses espèces d’oiseaux, de reptiles, de crustacés, etc.

▶️ Support de transport

• Les océans nous permettent de transporter des personnes et des marchandises depuis des millénaires. Aujourd’hui le transport maritime occupe une place prépondérante dans le commerce mondial (90% des échanges selon le musée de la Marine).
• Via les câbles sous-marins, les océans participent aux télécommunications. 98% du trafic internet est acheminé par des câbles sous-marins [13].
• Les gazoducs et oléoducs permettent également le transport de matières premières.

Des services culturels

Les services écosystémiques culturels sont des bénéfices non matériels que les êtres humains tirent des écosystèmes.

▶️ Loisirs et tourisme :

• Les océans sont le support de nombreuses activités comme la plongée sous-marine, la pêche, la baignade, etc.
• Le tourisme balnéaire, les croisières

▶️ Valeurs esthétiques, artistiques, patrimoniales et spirituelles :

• Les océans sont une source d’inspiration pour les arts plastiques et autres formes d’expression artistique comme la musique, le cinéma, etc.
• La beauté des paysages marins et côtiers, ces écosystèmes contribuent à l’identité culturelle de communautés.

▶️ Valeurs éducatives et scientifiques :

• Les océans offrent des opportunités d’apprentissages et de découvertes scientifiques
• L’archéologie sous-marine permet, grâce à la conservation, des découvertes historiques

Conclusion

Les services écosystémiques marins jouent un rôle crucial dans notre existence, notre bien-être et notre économie. Souvent méconnus, ces services englobent un éventail de fonctions vitales allant de la production d’oxygène et à la séquestration carbone en passant par la production de ressources alimentaires et la régulation de l’érosion côtière.

Ces services rendus par les écosystèmes reposent sur des équilibres dynamiques, des interactions multiples, formant un puzzle dont toutes les pièces ne sont pas encore pleinement comprises.

Quand nous essayons d’isoler un élément, nous réalisons qu’il est relié solidement, par un millier de fils invisibles qui ne peuvent être cassés, à tout le reste dans l’univers. John Muir [14]

La pression anthropique croissante sur les écosystèmes marins (pollution, exploitation non durable des ressources, changement climatique) menace la capacité de ces écosystèmes à continuer à fournir ces services essentiels.

Préserver ces écosystèmes, c’est investir dans l’avenir : la santé des océans est intimement liée à la nôtre.

Chez Sayari, nous visons une approche holistique des impacts des activités humaines sur la biodiversité, et particulièrement sur la biodiversité marine. Nous traitons les 5 pressions identifiées par l’IPBES : changement de l’utilisation des terres et des mers, exploitation des espèces sauvages, changement climatique, pollutions et espèces invasives. Nos évaluations sont réalisées sur l’intégralité des chaines de valeurs. N’hésitez pas à consulter notre offre sur le sujet.

Pour les produits de la mer, qu’ils soient issus de la pêche ou de l’aquaculture, nous vous accompagnons pour mesurer vos impacts spécifiques et construire votre stratégie biodiversité.

Envie d’en découvrir plus sur la biodiversité marine ? Nous vous recommandons de participer à une fresque Océane [15] !

Sources

[1] https://oceanservice.noaa.gov/facts/oceanwater.html

[2] Partie du littoral périodiquement recouverte par la marée.

[3] https://www.eib.org/fr/stories/ecosystem-service-nature

[4] https://www.mineralinfo.fr/sites/default/files/documents/2021-02/geosciences_brgm_augris-simplet.pdf

[5] https://www.techniques-ingenieur.fr/actualite/articles/31250-31250/

[6] https://www.hemarina.com/

[7] https://www.centrescientifique.mc/uploads/documents/fr_2009-04.pdf

[8] https://www.edf.fr/usine-maremotrice-rance/produire-de-lelectricite

[9] ocean-climate.org

[10] https://www.ofb.gouv.fr/les-herbiers-de-posidonies

[11] https://www.unesco.org/fr/articles/les-mangroves-un-bouclier-naturel-contre-les-aleas-cotiers-dans-la-reserve-de-biosphere-de-savegre

[12] https://ocean-climate.org/sensibilisation/le-role-de-locean-dans-le-climat/

[13] https://warm.2050now.com/mers-oceans/sous-les-mers-la-guerre-des-cables-sintensifie-553/

[14] Citation anglaise :  »When we try to pick out anything by itself, we find it hitched to everything else in the Universe. », My First Summer in the Sierra (Boston: Houghton Mifflin, 1911) (https://vault.sierraclub.org/john_muir_exhibit/writings/misquotes.aspx), traduction par Emmanuelle Porcher (https://www.college-de-france.fr/sites/default/files/media/document/2024-02/Porcher_LeconInaugurale.pdf)

[15] https://www.fresqueoceane.org/