ACV (Analyse du Cycle de Vie) et Empreinte biodiversité : c’est possible !

L’analyse du cycle de vie (ACV) est une méthode largement utilisée pour évaluer l’empreinte environnementale des produits et des services. Elle est efficace pour évaluer certains impacts, tels que les émissions de gaz à effet de serre, la consommation d’énergie et l’épuisement des ressources. Cependant, on dit qu’elle se heurte à des difficultés pour évaluer de manière précise et complète les impacts sur la biodiversité. Nous avons toutefois vu des progrès considérables dans les dernières années, permettant de dépasser de nombreuses limites qui existaient auparavant.
Curieux, curieuses ? Voici notre analyse.
Pourquoi l’évaluation de la biodiversité est(était)-elle difficile dans l’ACV ?
Complexité de la biodiversité
La biodiversité regroupe différentes dimensions : la diversité génétique, la diversité des espèces et la diversité des écosystèmes. Chacune de ces dimensions réagit différemment aux facteurs de stress environnementaux. Les modèles d’ACV ont du mal à saisir ces complexités.
Variabilité spatiale
Les impacts sur la biodiversité sont spécifiques à un lieu. Une même activité peut avoir des impacts différents selon la sensibilité écologique de la région. Par exemple, l’impact de l’agriculture intensive sur la biodiversité varie spatialement : dans les régions proches des écosystèmes aquatiques, le ruissellement des engrais peut créer des zones mortes, tandis que dans les zones avec une végétation riveraine dense, ces effets sont atténués. Les modèles d’ACV manquent souvent de la résolution spatiale nécessaire pour saisir cette variabilité.
Variabilité temporelle
Une même activité peut avoir des impacts différents selon la période de l’année. Par exemple, une activité réalisée pendant la saison de reproduction d’une espèce peut avoir des conséquences beaucoup plus graves que si elle est réalisée à un autre moment. Les modèles d’ACV ne prenne pas en compte cette variabilité fine.
Effets cumulatifs
Les effets peuvent varier sur le long terme, avec des impacts cumulatifs ou des effets différés qui ne se manifestent que plusieurs années plus tard. Par exemple, La fragmentation des habitats forestiers, causée par des activités humaines comme la déforestation, entraîne des effets cumulatifs à long terme, tels que l’isolation génétique des populations, la perturbation des cycles écologiques et la perte de biodiversité, réduisant ainsi la résilience des écosystèmes.
Limitations des données :
L’évaluation de la biodiversité en ACV est souvent entravée par la limitation des données disponibles. Par exemple, il existe un manque de connaissances sur certains taxons, tels que les invertébrés ou les champignons, ce qui rend impossible une évaluation complète des impacts d’un projet sur la diversité biologique. Par ailleurs, l’ACV nécessite des données homogènes et comparables pour permettre une évaluation cohérente des impacts environnementaux, ce qui est souvent difficile à obtenir en raison de la variabilité des méthodes de collecte et de la qualité des données disponibles.

Comment l’ACV s’adapte-t-elle pour traiter les impacts sur la biodiversité ?
Depuis une dizaine d’années, l’ACV évalue l’impact des activités humaines sur la biodiversité en prenant en compte l’utilisation et le changement d’affectation des terres, un des principaux responsables de la perte de biodiversité, notamment via la déforestation et la dégradation des zones humides.
Les méthodes d’ACV les plus avancées relient directement les activités humaines à la dégradation des habitats et à la perte de services écologiques.
De nouvelles approches améliorent cette évaluation, notamment en intégrant des données locales (ACV régionalisées), des indicateurs de la qualité des écosystèmes (richesse des espèces, intégrité écologique) et des modèles plus précis sur l’utilisation et la transformation des terres suivant l’intensité de l’intervention humaine.
Elles intègrent également d’autres impacts des activités humaines, notamment les pollutions. Celles-ci ont longtemps été sous-considérées, mais, même si elles affectent toutes les espèces, les pollutions sont clé pour comprendre la disparition des « petits » organismes : insectes, pollinisateurs, champignons, invertébrés, plancton, bactéries. Quand ces organismes disparaissent, c’est toute leur chaine alimentaire, en cascade, qui est perturbée : par exemple, les oiseaux et les mammifères.
Avantages et limites de l’évaluation de la biodiversité dans l’ACV
Avantages
L’ACV permet d’évaluer de manière globale les impacts des activités humaines sur l’environnement, y compris sur la biodiversité. Grâce à cette méthode, il est possible de prendre en compte l’ensemble de la chaîne de valeur, de la production à la consommation, ainsi que les multiples pressions exercées sur les écosystèmes, comme l’utilisation des sols et la pollution chimique.
En intégrant ces différents facteurs, l’ACV offre une vision plus complète des effets des activités humaines sur la nature et permet d’identifier les leviers d’action pour limiter ces impacts.
L’ACV permet également d’analyser en détail les conséquences de la pollution chimique, notamment celles liées aux pesticides, aux plastiques, aux métaux lourds et aux PFAS… Bien que ces polluants aient des effets profonds sur la biodiversité, ils restent souvent sous-estimés en raison de leur nature discrète et cumulative. On a longtemps cru que ces pollutions n’avaient pas beaucoup d’effet sur les écosystèmes. On comprend maintenant qu’elles peuvent être importantes.
Limites méthodologiques
Bien que l’ACV soit un outil puissant pour évaluer les impacts environnementaux, elle présente plusieurs limites lorsqu’il s’agit de mesurer précisément les effets sur la biodiversité. L’une des principales faiblesses est l’absence d’indicateurs complets capables de refléter la complexité des interactions biologiques. L’ACV se concentre principalement sur la perte d’espèces, laissant de côté d’autres niveaux essentiels de la biodiversité, comme la diversité génétique ou les dynamiques des écosystèmes.
De plus, les indicateurs utilisés privilégient certains groupes d’espèces visibles comme les mammifères, les plantes ou les oiseaux, tandis que d’autres organismes cruciaux, tels que les insectes, les champignons ou les micro-organismes du sol, sont largement ignorés. Ces organismes, pourtant indispensables au bon fonctionnement des écosystèmes, sont également vulnérables à la pollution et aux perturbations humaines.
Une autre limite majeure de l’ACV réside dans la simplification des dynamiques écologiques et l’absence de lien direct avec les données de terrain. Les modèles utilisés sont généralement statiques, alors que les changements de biodiversité sont dynamiques et dépendent fortement du contexte local. L’ACV ne tient pas compte de la variabilité des écosystèmes à l’échelle très locale, ou des effets cumulatifs observés sur le terrain.
L’ACV ne prenait pas en compte, jusqu’à récemment, l’introduction d’espèces envahissantes, qui constituent pourtant une pression majeure sur les écosystèmes. Ces espèces, introduites volontairement ou accidentellement dans de nouveaux environnements, peuvent perturber les équilibres écologiques en concurrençant les espèces locales, en modifiant les habitats ou en propageant des maladies. Malgré leur rôle substantiel dans la perte de biodiversité, les modèles d’ACV intègrent rarement ces dynamiques complexes.
Enfin, la biodiversité aquatique, qu’il s’agisse des milieux marins ou d’eau douce, est souvent sous-représentée dans les méthodes d’ACV, malgré leur importance écologique et leur vulnérabilité face aux pressions humaines.
Limites de périmètre
L’ACV se concentre sur l’évaluation des impacts (et bénéfices) des activités humaines sur la biodiversité, mais elle ne prend pas en compte les dépendances des systèmes économiques à celle-ci.
De nombreux secteurs, comme l’agriculture, la pêche ou la pharmacologie, dépendent en effet directement des services écosystémiques tels que la pollinisation, la purification de l’eau ou la fertilité des sols. Cependant, l’ACV ne mesure pas ces liens de dépendance ni les risques associés à la dégradation de ces services. Cette absence d’évaluation des dépendances nécessite d’utiliser des outils complémentaires comme ENCORE : ils évaluent les vulnérabilités des activités humaines face à l’appauvrissement de la biodiversité et permettent l’anticipation des conséquences économiques et sociales d’un déclin écologique.

Et Sayari dans tout ça ?
Pour améliorer l’évaluation des impacts sur la biodiversité en ACV, nous avons développé plusieurs approches plus précises et complètes.
Des améliorations méthodologiques
Tout d’abord, nous adoptons une approche spatialisée, prenant en compte les spécificités géographiques : les mêmes activités n’ont pas le même impact selon les régions. Par exemple, une pollution chimique en République Démocratique du Congo, riche en biodiversité, entraînera des conséquences sur la biodiversité bien plus graves qu’une pollution dans le désert, et nous sommes capables de prendre cet aspect en compte via notre outil PBF.
Pour affiner nos analyses, nous intégrons également des données locales qui reflètent mieux les réalités écologiques sur le terrain. Nous travaillons par exemple avec des agronomes et des écologues qui mesurent sur les sites les biodiversités locales pour améliorer les valeurs issues des modèles.
De plus, nous évaluons les bénéfices dans la chaîne de valeur, notamment en prenant en compte des pratiques comme l’agriculture régénératrice, qui améliore la santé des sols, favorise les pollinisateurs et réduit l’empreinte écologique globale.
Si le traitement des pollutions est un sujet majeur dans notre mission, nous allons au-delà de l’ACV. Du fait de la complexité et de la diversité des polluants (pesticides, métaux lourds, PFAS, etc.), et de leurs interactions, l’ACV comporte en effet des limites sur cette thématique. Nous utilisons une méthodologie basée sur le risque pour évaluer les impacts sur la faune et la flore, notamment dans les milieux aquatiques et marins.
Enfin, nous avons développé et mis en œuvre des méthodes qualitatives et quantitatives pour analyser l’impact des espèces envahissantes, ce qui nous permet d’évaluer les conséquences des échanges commerciaux et des transports, principaux vecteurs de leur propagation.
Une approche holistique : enjeux terrestres 🌿et marins 🐟
Une attention particulière est portée à la biodiversité aquatique et marine, souvent sous-évaluée dans les méthodes classiques d’ACV. Nous analysons l’impact de divers polluants chimiques (pesticides, métaux lourds, plastiques) qui contaminent les milieux aquatiques, provoquant maladies, malformations et mortalité chez les organismes. Nous prenons également en compte des phénomènes spécifiques comme l’eutrophisation, causée par l’excès de nutriments issus de l’agriculture, qui crée des zones mortes privées d’oxygène, asphyxiant la vie aquatique.
Nos analyses couvrent aussi les effets de la surpêche, qui dépasse les capacités de renouvellement des espèces et menace la survie de certaines populations comme le cabillaud.
Nous considérons également l’acidification des océans, liée à l’absorption du CO₂, qui fragilise les organismes à coquilles (coraux, mollusques) et perturbe les écosystèmes marins.
Nous évaluons les impacts sur les fonds marins, notamment dus au :
– au dragage et chalutage de fonds,
– à l’extraction de matériaux (sable…),
– aux extensions portuaires.
Nous conseillons aussi sur le choix des sites éoliens en mer.
Enfin, nous prenons en compte les conséquences de l’introduction d’espèces exotiques envahissantes via les activités humaines (transport maritime, aquaculture), comme l’algue Caulerpa taxifolia en Méditerranée, qui concurrence les espèces locales et déséquilibre les écosystèmes.
Ces éléments nous permettent d’obtenir une vision plus complète et précise des effets des activités humaines sur la biodiversité.

Conclusion
Nous accompagnons de grands groupes ainsi que de plus petites entités dont l’objet social intègre la préservation de la biodiversité dès leur création. Pour chaque mission, nous sélectionnons les méthodes les plus adaptées aux enjeux majeurs de l’entreprise, tout en restant sobre sur les thématiques ayant un impact limité. Notre expertise nous permet de couvrir un large éventail d’actions, allant de l’évaluation d’empreinte biodiversité à la mise en place de stratégies globales et d’outils méthodologiques innovants.
Nos missions type
Nos missions sont variées :
- Évaluation de l’empreinte biodiversité d’un produit ou service : Nous avons réalisé ce travail pour plusieurs grands groupes, en intégrant les pratiques agroécologiques. Cette approche leur a permis de valoriser les bénéfices concrets pour la biodiversité, en mettant en avant l’impact positif de certaines pratiques durables (voir travaux avec le groupe l’Oréal ici)
- Mise en place d’une démarche d’écoconception intégrant la biodiversité : Nous accompagnons nos clients dans l’intégration systématique de l’enjeu biodiversité dans leurs processus de conception de produits. Par exemple, nous avons aidé un grand groupe à structurer sa démarche et à la présenter dans un congrès scientifique, tout en assurant sa mise en œuvre progressive au sein de l’entreprise.
- Mise en cohérence des allégations environnementales : Nous aidons les entreprises à harmoniser leur communication sur la biodiversité, que ce soit auprès des consommateurs (via les produits) ou des investisseurs (dans le cadre du rapport RSE). Ces deux niveaux mobilisent des métriques différentes, et nous accompagnons nos clients pour aligner leurs indicateurs biodiversité, structurer leurs messages et garantir une communication transparente et cohérente.
- Développement de stratégies biodiversité intégrant les pressions marines : Nous avons élaboré pour un grand groupe agroalimentaire une stratégie biodiversité prenant en compte les pressions sur le milieu marin, incluant les produits de la mer, l’aquaculture et la pêche, afin de répondre aux enjeux spécifiques liés à ces filières. (voir ici)
- Développement de méthodologies innovantes et basées sur la science : Nous travaillons à combler les lacunes méthodologiques en matière d’empreinte biodiversité. Par exemple, nos travaux récents sur l’impact des métaux permettent d’évaluer des pressions jusqu’ici peu prises en compte, améliorant ainsi la précision et la robustesse des analyses (voir par exemple nos travaux sur les métaux ici, ou nos travaux sur la biodiversité marine, incluant les fonds marins ici)
Grâce à ces approches sur mesure, nous aidons nos clients à mieux comprendre, mesurer et réduire leur impact sur la biodiversité tout en renforçant la crédibilité et la cohérence de leurs engagements environnementaux.
Membre du Comité consultatif technique du PEF (Product Environmental Footprint).
Membre du comité des partenaires de l’affichage environnemental