Zoom sur la deuxième pression anthropique sur la biodiversité : l’exploitation des espèces sauvages
Définition : Surexploitation et exploitation des espèces sauvages
L’utilisation des espèces sauvages fait l’objet d’un rapport thématique spécifique de l’IPBES (IPBES, 2022). Cette utilisation est durable si elle correspond à « l’utilisation d’éléments de la diversité biologique d’une manière et à un taux qui n’entrainent pas le déclin à long terme de la biodiversité, maintenant ainsi son potentiel pour subvenir aux besoins et aspirations des générations présentes et futures » (CBD, 1992). Dans le cas contraire, il s’agit d’une exploitation non durable qui est la deuxième cause directe d’effondrement de la biodiversité et la première cause pour la biodiversité marine (IPBES, 2019).
Cette exploitation correspond à une utilisation extractive d’organismes vivants. Ainsi, elle comprend la pêche marine et d’eau douce, la chasse d’animaux terrestres, la cueillette d’organismes immobiles (fleurs, plantes, champignons, algues) et l’exploitation forestière. L’exploitation des espèces sauvages comprend l’exploitation létale comme la pêche de cabillaud ou l’abattement d’arbres, mais également l’exploitation non-létale telle que le prélèvement de poissons sauvages pour des aquariums ou la cueillette de fruits et de fleurs. Elle exclut les utilisations d’animaux domestiques (élevage, aquaculture, animaux de compagnie) et l’exploitation de matériel non vivant (hydrocarbures, eau, sable, métaux). Cette dernière a un impact sur la biodiversité qui est pourtant distinct de l’exploitation des espèces sauvages (voir Box ci-dessous).
Box. L’impact de la (sur)exploitation du non-vivant L’exploitation de l’eau par les populations humaines peut en priver les écosystèmes et avoir un impact sur la biodiversité. Ainsi, en cas d’exploitation rendant l’eau indisponible pour la santé des écosystèmes : perte de zones humides et de débit des cours d’eau, assèchement du paysage, détournement de cours d’eau, disparition d’étendues d’eau, celle-ci induit une perte de biodiversité lié à une modification de l’écosystème. Il s’agit d’un changement d’usage des sols, ceux-ci devenant plus pauvres en eau, cela modifie les conditions de vie des espèces présentes. L’exploitation de matériaux minéraux (sable, roche, métaux) ou fossiles (pétrole, gaz, charbon) ne correspond pas non plus à la pression « exploitation des espèces sauvages ». Les impacts de cette extraction peuvent être très importants pour la biodiversité mais cela correspond aux autres pressions : changement d’usage des sols (déforestation, extraction de sable), au changement climatique (exploitation d’énergie et combustion d’hydrocarbures) et à la pollution (pollution physique et émissions de polluants tels que les métaux lourds). |
Les activités humaines concernées par l’exploitation des espèces sauvages
PECHE La principale activité liée à l’exploitation des espèces sauvages est la pêche. En 2020, 90,3 millions de tonnes d’animaux aquatiques ont été capturés (FAO, 2022). Ces captures sont majoritairement composées de poissons marins, mais également de poissons d’eau douce, de crustacés, de mollusques et plus marginalement de cétacés. Parmi ces captures, 82,5 % proviennent de stocks durables tandis que 35,4% des stocks mondiaux sont surexploités (FAO, 2022).
EXPLOITATION FORESTIERE Parmi les activités terrestres, la production de bois pour la construction, l’ameublement, l’énergie, et la filière papier et carton induit une exploitation des espèces sauvages. Cette exploitation a la particularité de toucher à des organismes qui sont également des habitats pour d’autres espèces. En effet, le couvert végétal détermine la nature de l’écosystème (désert, prairie, savane, forêt, …) en plus d’être composé d’espèces particulières. 12% des arbres sont directement menacés par leur surexploitation, ce qui met en danger les espèces qui en dépendent (IPBES, 2022).
CUEILLETTE La cueillette de plantes, algues et champignons est liée à la production alimentaire (cèpe, truffe, salicorne), cosmétique et pharmaceutique (arnica, ortie, camomille). Elle peut sembler marginale mais représente la plus grande part d’exploitation d’espèces sauvages avec 25 100 espèces collectées (IPBES, 2022). Lorsqu’elle n’est pas durable, elle conduit à la raréfaction des populations sauvages (voir les initiatives de réimplantation d’arnica dans le massif des Vosges).
CHASSE Enfin, la chasse aux animaux terrestres peut être à des fins de subsistance alimentaire, de développement culturel et éducatif, ou de loisir. Une chasse trop importante peut conduire à la disparition totale d’une espèce, comme en témoigne la chasse au Grand Pingouin (Pinguinus impennis) pour sa chair et ses plumes, dont le dernier individu a été tué en 1844 en Islande.
Figure issue du Résumé pour les Décideurs du rapport de l’IPBES sur l’Utilisation Durable des Espèces Sauvages. Les impacts et dépendances respectivement liés aux ESRS E3 et E4 sont mis en évidence.
La CSRD et l’exploitation durable des espèces sauvages
L’analyse de double matérialité est le point de départ de la CSRD. Il s’agit d’identifier les enjeux de durabilité, à la fois sous l’angle des dépendances (matérialité financière) et des impacts (matérialité d’impacts). L’exploitation durable des espèces sauvages est l’enjeu où les dépendances et les impacts se rejoignent directement. Des ressources exploitées durablement (matérialité d’impacts) permettent d’assurer la sécurité de l’approvisionnement de l’entreprise ; à l’inverse, des ressources surexploitées mettent en danger l’approvisionnement. Aussi, du point de vue de l’exploitation des espèces sauvages, impacts et dépendances constituent un seul et même sujet.
Si tout prélèvement d’espèces sauvages constitue un impact sur la biodiversité, ce dernier peut être grandement diminué lorsque le prélèvement est durable. Bien que la notion de durabilité de l’exploitation des espèces sauvages puisse différer en fonction du contexte et des auteurs, il est possible de réduire le risque et l’impact associé sur la biodiversité. Ainsi, dans la CSRD, deux normes de reporting (ESRS – European Sustainability Reporting Standard) sont concernées par l’exploitation des espèces sauvages :
- La norme ESRS E4 relative à la biodiversité et aux écosystémiques requiert l’évaluation de la matérialité liée à l’exploitation directe des organismes (AR 4.a.iii). Cela concerne les entreprises utilisant des produits à base de bois (architecture, meubles, papier, carton), ainsi que celles sourçant des matières premières sauvages en alimentation, cosmétique et pharmaceutique.
- La norme ESRS E3 relative à l’eau et aux ressources marines requiert l’évaluation de la matérialité liée à l’exploitation de poissons et fruits de mer (AR 12.a) et concerne ainsi l’ensemble de la filière des produits de la mer (pêche et aquaculture).
Ainsi, il est impératif d’adresser cette cause d’effondrement de la biodiversité et cette source de dépendance des activités humaines dans le cadre de la CSRD.
L’évaluation quantitative de cet impact sur la biodiversité
Il est possible d’ évaluer quantitativement les impacts de l’exploitation des espèces sauvages.
- PECHE Pour la pêche, la méthode d’« Epuisement des Ressources Biotiques » (Hélias et al., 2023; Stanford-Clark et al., 2024) permet de quantifier l’impact de manière analogue aux autres pressions sur la biodiversité (Climat, pollution, utilisation des terres) via une unité commune, le PDF.year.
- FORET Pour l’exploitation forestière, cela s’apparente à de l’utilisation des terres, l’IPBES décrit les garanties de durabilité de cette exploitation notamment via les programmes de certification (PEFC, FSC), la préservation de zones exclusivement protégées et la concertation avec les populations locales (IPBES, 2022).
- CHASSE et CUEILLETTE Pour la chasse et la cueillette, des méthodes semi-quantitatives sont possibles pour cet enjeu majeur dans la cosmétique, les parfums et l’industrie pharmaceutique.
L’expérience de Sayari
Chez Sayari, nous visons une approche holistique des impacts des activités humaines sur la biodiversité. Nous traitons les 5 pressions identifiées par l’IPBES : changement de l’utilisation des terres et des mers, exploitation des espèces sauvages, changement climatique, pollutions et espèces invasives. Nous traitons les impacts sur les différents biota : terrestre, eau douce et marin. Enfin, ces évaluations sont réalisées sur l’intégralité des chaines de valeurs. N’hésitez pas à consulter notre offre sur le sujet.
Ainsi, nous traitons la pression de l’exploitation des espèces sauvages en plus de celles du changement d’utilisation des terres et mers, du changement climatique, des pollutions et des espèces invasives. Nous avons appliqué dans plusieurs projets la méthode d’épuisement des ressources biotiques pour la pêche (Gaillet et al., 2023; Wermeille et al., 2024) et nous appliquons la méthode PBF (Asselin et al., 2019) en la complétant par la pression sur l’exploitation de bois.
Nous pouvons vous accompagner dans l’étude de l’impact de vos produits biosourcés en incluant cette pression, et dans votre mise en œuvre de la CSRD sur les ESRS E3 et E4.
N’hésitez pas à nous contacter
Références
Asselin, A., Rabaud, S., Catalan, C., Leveque, B., L’Haridon, J., Martz, P., & Neveux, G. (2019). Product Biodiversity Footprint – A novel approach to compare the impact of products on biodiversity combining Life Cycle Assessment and Ecology. Journal of Cleaner Production, 248, 119262. https://doi.org/10.1016/j.jclepro.2019.119262
CBD. (1992). Convention on Biological Diversity. In.
FAO. (2022). The State of World Fisheries and Aquaculture 2022: Towards Blue Transformation. FAO.
Gaillet, G., Asselin, A., & Wermeille, A. (2023). Affichage environnemental et produits de la mer. La librairie ADEME. https://librairie.ademe.fr/consommer-autrement/6705-affichage-environnemental-gt-mer.html
Hélias, A., Stanford-Clark, C., & Bach, V. (2023). A new impact pathway towards ecosystem quality in life cycle assessment: characterisation factors for fisheries. The International Journal of Life Cycle Assessment. https://doi.org/10.1007/s11367-023-02136-2
IPBES. (2019). Global assessment report on biodiversity and ecosystem services of the Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services, Brondízio, E. S., Settele, J., Díaz, S., Ngo, H. T. (eds). . Zenodo. https://zenodo.org/record/6417333
IPBES. (2022). Thematic assessment of the sustainable use of wild species of the Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services.
Stanford-Clark, C., Loiseau, E., & Hélias, A. (2024). Fisheries Impact Pathway: Making Global and Regionalised Impacts on Marine Ecosystem Quality Accessible in Life Cycle Impact Assessment [Article]. Sustainability, 16(9), 3870. https://doi.org/10.3390/su16093870
Wermeille, A., Gaillet, G., & Asselin, A.-C. (2024). Don’t miss the big fish! Operational accounting of two major drivers of marine biodiversity loss in LCA of seafood products. Journal of Cleaner Production, 435, 140245. https://doi.org/10.1016/j.jclepro.2023.140245
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