Évaluation de la biodiversité en ACV pour les productions agricoles.
Que retenir de notre mission pour l’ADEME et AGRIBALYSE ?
Contexte : Biodiversité et production agricole
En 2023, nous avons réalisé une étude comparative de différentes méthodes d’évaluation de la biodiversité dans la production des commodités agricoles. L’intérêt de cette mission était d’appliquer différentes méthodes à des cas d’études, pour révéler les forces et limites de chacune, ainsi que les contradictions qui existent entre elles.
Nous avons étudié 4 méthodes.
Quelles sont les conclusions de cette étude ? Cela dépend de la question posée.
Notons tout d’abord un point important : en général, dans les secteurs de l’alimentation, la majorité de l’empreinte biodiversité provient de production de la (des) matière(s) première(s). C’est également le cas dans d’autres industries, utilisant des matières premières agricoles comme les cosmétiques ou le textile.
Si vous travaillez dans ces secteurs, et que votre approvisionnement est international, alors la première question qui se pose en matière de biodiversité est l’origine des matières premières.
Quelle provenance géographique des matières premières joue sur la biodiversité ?
Pour répondre à cette question, deux méthodes sont adéquates : les méthodes Kuipers et al. 2019 et Chaudhary and Brooks, 2018. Elles permettent de comparer la valeur « biodiversité » de différentes origines, en prenant en compte le nombre d’espèces présentes dans chaque pays, leur endémisme, ainsi que la part d’espèces vulnérables. Les îles des Caraïbes (comme Haïti) ou Madagascar, sont très riches en biodiversité, avec des espèces qui sont spécifiques à ces territoires et qui n’existent pas ailleurs, et une vulnérabilité substantielle de certaines d’entre elles. Aussi, du point de vue de la biodiversité, il est déconseillé de sourcer des matières premières agricoles venant de ces pays.
Pour les ressources qui proviennent de très grands pays comme le Brésil, la Chine ou les USA, il est nécessaire de bien identifier plus précisément dans quelles régions les matières premières sont produites. A défaut d’information de la part de vos fournisseurs, l’étude a permis de déterminer des facteurs biodiversité moyen pour chaque grande commodité produite dans chaque pays (ex : le mais produit par les USA provient essentiellement du Midwest, la canne à sucre brésilienne essentiellement des états de São Paulo et Goiás).
Finalement, ces deux méthodes fournissent des conclusions assez largement cohérentes. La future méthode retenue par le consensus Nations Unies (dit consensus GLAM) devrait être une version fusionnée (et mise à jour) de ces deux méthodes.
Comment encourager les pratiques agricoles plus vertueuses vis-à-vis de la biodiversité ?
Si en revanche, la provenance géographique des matières premières agricoles est figée, alors le levier des pratiques devient majeur pour améliorer l’empreinte biodiversité de vos produits.
Deux méthodes permettent l’optimisation des pratiques au regard de l’empreinte biodiversité : la méthode BVI (Lindner et al., 2019) et la méthode BioSyScan (Dallaporta et al.), non publiée pour l’instant.
Dans ces deux méthodes, les leviers d’améliorations de la biodiversité sont similaires : réduire les intrants issus de la chimie (engrais et pesticides), diminuer la taille des parcelles, faire varier les cultures dans l’espace et dans le temps (en allongeant les rotations), implanter des infrastructures agro-écologiques (haies, zones humides, ripisylves…), réduire le travail du sol. Les améliorations peuvent être substantielles par unité de surface (la biodiversité peut être multipliée par deux sur un ha) ; mais accompagnées de rendements inférieurs, il y a un risque d’effet rebond où la surface à mobiliser pour la même quantité produite devient plus importante. De façon générale, ces deux méthodes tendent à favoriser l’agriculture moins intensive.
Dans le cas où l’impact doit être quantifié par kg de produit, nous recommandons le choix de BVI, qui est compatible avec les autres indicateurs environnementaux, comme le changement climatique ou la pollution, qui sont restitués par kg de produit. Nous attendons la publication de BioSyscan. Nous espérons en effet que cette dernière méthode, plus récente, qui a été construite et référencée pour les productions agricoles françaises, s’élargira à d’autres pays pour, à terme, enrichir les paramètres de pratiques mobilisés à l‘heure actuelle dans BVI (Lindner et al. 2019).
Et si je dois regarder en même temps la provenance géographique et les pratiques agricoles ?
Les évaluations combinées en faisant varier simultanément les paramètres géographiques et les pratiques sont pour l’instant sujettes à débat. La méthode qui nous semble, à ce stade, la plus prometteuse pour comparer ces deux aspects de façon combinée est la méthode BVI (Lindner et al. 2019). D’autres méthodes, non étudiées dans le projet ADEME, permettent également cette combinaison, comme la méthode PBF (Product Biodiversity Footprint).
Perspectives
Les outils de mesure de la biodiversité évoluent rapidement, avec une mobilisation forte de l’ensemble de la communauté : chercheurs, entreprises, pouvoirs publics. Il est essentiel que l’industrie puisse aussi tester les différentes propositions pour pouvoir à la fois mieux les appréhender, les opérationnaliser et les challenger constructivement.
Ceci particulièrement dans un contexte ou la mesure et la réduction des impacts est incluse maintenant dans le corpus réglementaire de la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) européenne.
Nous accompagnons plusieurs grands groupes dans ces démarches. N’hésitez pas à consulter notre offre et à nous contacter.
En savoir plus :
Lire le rapport https://librairie.ademe.fr/6983-agribalyse-biodiversite-locale.html
Références
Chaudhary, A., & Brooks, T. M. (2018). Land Use Intensity-Specific Global Characterization Factors to Assess Product Biodiversity Footprints. Environmental Science & Technology. https://doi.org/10.1021/acs.est.7b05570
Dallaporta, B., Bonnot, S., & Bockstaller, C. (2022). Indicateur prédictif des impacts des systèmes agricoles sur la biodiversité locale (BioSyScan v. 1.0). https://www.planet-score.org/public/uploads/2023/10/BIODIVERSITE-PRATIQUES-AGRICOLES-Methode-BioSyScan-v1.0-INRAe-ITAB.pdf
Kuipers K., Huijbrechts, M. A., Shippers, A. M., May, R, F., Graae, B., & Verones, F. (2019). Incorporating habitat fragmentation into the characterisation of land use impacts on biodiversity. SETAC Europe 29th annual meeting.
Lindner, J. P., Fehrenbach, H., Winter, L., Bischoff, M., Bloemer, J., & Knuepffer, E. (2019). Valuing Biodiversity in Life Cycle Impact Assessment. Sustainability, 11(20), 5628. https://doi.org/10.3390/su11205628
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