Les Odyssées marines
🦐🪸La pêche et l’aquaculture en Europe🪼🌿
Par Joséphine Gatin et Anna Yildiran
Bienvenus dans notre deuxième épisode consacré à la pêche ! Comme promis, nous allons nous concentrer ici sur la pêche et l’aquaculture en Europe.
Nous commencerons par rappeler les principaux cadres réglementaires qui encadrent la pêche, en particulier au sein de l’Union européenne.
Puis, nous explorerons quelques ordres de grandeur concernant la pêche des pays européens, en incluant notamment la Norvège, la Russie ou encore la Turquie.
La politique commune de la pêche (PCP)
La PCP est un ensemble de règles de l’Union Européenne (UE) visant à gérer durablement les flottes de pêche européennes et à préserver les stocks de poissons. À l’origine, elle faisait partie de la politique agricole commune (PAC), mais elle a obtenu son propre cadre législatif en 1970. Au fil des ans, l’adhésion de nouveaux pays à l’UE a entraîné l’apparition de nouveaux défis, notamment en matière de conservation des ressources et de relations internationales, en particulier après l’établissement des zones économiques exclusives (ZEE). La PCP devait donc répondre aux points suivants pour rester efficace [1] :
👉 À l’hétérogénéité des pratiques et des structures économiques liées à la pêche dans les nouveaux États membres
👉 À la nécessité d’une gestion durable pour éviter la surpêche au fur et à mesure de l’augmentation de la flotte
👉 À la représentation de l’Europe dans les négociations internationales sur les droits de pêche et les stocks partagés
L’objectif principal de la PCP est la durabilité environnementale à long terme de la pêche et de l’aquaculture, ainsi que la gestion des avantages économiques,sociaux et en matière d’emploi. La politique repose sur une approche écosystémique visant à minimiser l’impact de la pêche sur l’environnement et à garantir la sécurité alimentaire [2].
Pour des raisons géopolitiques et historiques, la PCP est plus développée dans l’océan Atlantique Nord, la mer du Nord et la ùer Baltique, et moins développée en Méditerranée et en mer Noire. Cependant, la PCP s’applique de façon indifférenciée dans les eaux de l’UE [3][4].
* Cette carte a été élaborée avant que le Royaume-Uni ne quitte l’UE.
La carte au-dessus montre les différentes zones économiques exclusives (ZEE) en bleu et les territoires d’outre-mer européens en vert. En orange, on trouve les ZEE de l’espace économique européen et les eaux régies par le Traité de Paris de 1920, qui restent source de tensions entre la Norvège et certains pays de l’UE [5][6].
La pêche européenne ne se déroule ainsi pas seulmet proche du continent Européen dans la mesure où les pays Européens possèdent des ZEEs partout dans le monde ! Par exemple, la France a une pêcherie de légine (un poisson très prise en Asie pour sa chair blanche) dans les Terres Australes et Antarcctiques Françaises (TAAF).
La dimension internationale de la PCP
La pêche européenne ne se limite pas non plus à celle réalisée au sein des eaux européennes. La PCP a également une politique extérieure, c’est-à-dire que l’UE est impliquée dans :
👉 18 organisations régionales de gestion des pêches (ORGP), dont 5 ORGP thonières et 13 ORGP non thonières, ainsi que divers organes consultatifs. L’UE est l’acteur le plus important au sein des ORGP et des organismes de pêche du monde entier.
👉 Des Accords de partenariat pour une pêche durable (APDS) avec des pays tiers. Les flottes de l’UE peuvent ainsi pêcher dans les ZEE de ces pays dans des conditions équitables et réglementées.
Les APSF sont mises en place pour assurer la durabilité de l’environnement, soutenir la recherche scientifique et garantir le respect des droits de l »homme partout dans le monde [7].
En contrepartie des droits de pêche, l’UE apporte un soutien financier aux pays partenaires afin de renforcer leurs secteurs de la pêche locaux et de lutter contra la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN), dont nous parlerons plus en détail dans la section suivante.
Lutte contre la pêche Illicite, Non déclarée et Non réglementée (INN)
L’UE adopte une position ferme à l’égard de la pêche INN, dont le coût pour le secteur mondial de la pêche est estimé à 10 milliards d’euros par an. Elle représente près de 20 % de la valeur des captures mondiales.
Pour lutter contre ce phénomène, l’UE exige que les produits de la pêche soient certifiés légaux et tient les États du pavillon responsables de leurs obligations internationales. Depuis 2010, l’UE a collaboré avec plus de 60 pays tiers afin d’améliorer l’application de la réglementation relative à la pêche INN [8].
La contribution d’Europe dans le domaine de la pêche et de la production au niveau mondial
Après ces éléments de contexte sur le cadre réglementaire de la pêche dans l’Union européenne, nous avons élargi notre analyse à l’ensemble de l’Europe continentale, en incluant notamment des pays comme la Norvège et la Russie. Pour ce faire, nous avons utilisé les données de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) datant de 2022.
L’Europe continentale dans la pêche mondiale ?
Quels sont les pays leaders en matière de capture et d’aquaculture ?
En 2022, la Norvège et la Russie étaient les principales nations européennes dans le domaine de la pêche. La Russie se classait au premier rang pour la pêche de capture, tandis que la Norvège dominait la production aquacole (47 %).
Les pays qui capturent le plus sont la Russie (36.5 %), la Norvège (17.9 %), l’Islande (10.4 %) et l’Espagne (5.9 %), la Russie et la Norvège représentant plus de la moitié de la production totale de capture en Europe.
En ce qui concerne l’aquaculture, la Norvège a assuré à elle seule près de la moitié de la production européenne totale (47 %), suivie de la Russie (9.1 %).
Quelles sont les espèces les plus pêchées ?
⚠️ Il est important de préciser que, pour les deux figures en haut, il s’agit des espèces capturées par des navires battant pavillon de pays d’Europe continentale. Cela signifie que ces espèces ne sont pas nécessairement pêchées dans les eaux européennes, ni par des pays membres de l’Union européenne.
L’espèce la plus capturée en 2022 était le lieu de l’Alaska, et le saumon de l’Atlantique représentait plus de la moitié des espèces aquacoles.
Les tendances européennes en 2022 diffèrent de la moyenne mondiale. En Europe, la pêche de capture produit près de sept fois plus que l’aquaculture, alors qu’à l’échelle mondiale, les deux secteurs sont presque à égalite.
Il est important de noter que c’est l’Asie qui contribue largement à faire monter la part de l’aquaculture à près de 50 % au niveau mondial.
Pour un analyse statistique plus poussée et plus précise, nous avons restreint l’étude aux zones de pêche FAO considérées comme « Européennes » :
🌍 Zone 27 : Atlantique, Nord-Est
🌍 Zone 37 : Méditerranée et mer Noire
🌍 Zone 5 : Eaux intérieures européennes
Quels sont les pays qui pratiquent le plus la capture et l’aquaculture par zone FAO ?
Quelles sont les espèces les plus capturées en aquaculture et pêche de capture par zone FAO ?
L’ensemble pêche en eau douce ne représente que 7 % du total des captures (pêche et aquaculture confondues) en Europe, il est important de souligner sa présence sur l’ensemble du territoire européen.
En termes de volume des espèces, les poissons les plus pêchés dans l’Atlantique Nord-Est sont plus de quatre fois supérieurs à ceux de la Méditerranée ou des eaux intérieures européennes.
Conclusion
Il est évident que la pêche et l’aquaculture sont cruciales pour l’économie et la sécurité alimentaire de l’Europe. Pourtant, selon l’Agence européenne pour l’environnement (AEE), en 2022, 40 % des stocks de poissons et fruits de mer ne sont pas en bon état ou sont exploités de manière non durable. Pour préserver ces ressources à long terme, il est urgent de renforcer les politiques de gestion, d’aligner les pratiques de pêche sur les recommandations scientifiques et de poursuivre les efforts en faveur d’une durabilité véritable [9].
Nous vous donnons rendez-vous la prochaine fois pour un examen plus approfondi du secteur de la pêche en France !
Sources
[1] https://oceans-and-fisheries.ec.europa.eu/fisheries/markets-and-trade/seafood-markets_en
[4] https://ue.delegfrance.org/outre-mer-2038#Les-pays-et-territoires-d-outre-mer-PTOM
[6] https://opiniojuris.org/2020/06/16/norways-inconsistent-interpretation-of-the-1920-treaty-of-paris/
[8] file:///C:/Users/lionf/Downloads/facts%20et%20figures%20sur%20la%20commune%20de%20pêche%20politique-KLAH21001ENN.pdf
Membre du Comité consultatif technique du PEF (Product Environmental Footprint).
Membre du comité des partenaires de l’affichage environnemental