Numérique, métaux et biodiversité : la science au service des décisions
Le numérique semble immatériel.
Nos données sont dans le cloud, nos objets connectés fonctionnent sans effort apparent, nos batteries se rechargent silencieusement.
Pourtant, derrière ces aspects virtuels, se cache une réalité très matérielle : le numérique repose sur des métaux, et ces métaux proviennent de la nature.
Cuivre, cobalt, aluminium, lithium, nickel, argent… La transition énergétique et numérique en multiplie la demande. Leur extraction et leur raffinage, indispensables à nos technologies, ont des conséquences majeures sur la biodiversité selon l’IPBES (International Panel on Biodiversity and Ecosystem Services), le GIEC de la biodiversité :
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« Quelque 60 milliards de tonnes de ressources renouvelables et non renouvelables sont extraites chaque année. Ce total a presque doublé depuis 1980 […] Cette activité a eu des effets sans précédent : depuis 1980, les émissions de gaz à effet de serre ont doublé, […] plus de 300 à 400 millions de tonnes de métaux lourds, de solvants, de boues toxiques et d’autres déchets provenant d’installations industrielles sont déversées chaque année dans les eaux du globe. » « On trouve dans les eaux côtières les concentrations les plus élevées de métaux et de polluants organiques persistants provenant des rejets d’effluents industriels et des ruissellements agricoles, ce qui empoisonne les ressources halieutiques côtières. Les concentrations excessives de nutriments dans certaines zones ont de graves conséquences, notamment pour les poissons et le biote des fonds marins. » (IPBES, 2019, Résumé à l’intention des décideurs) |
Et à mesure que l’intelligence artificielle s’impose dans nos usages quotidiens, cette dépendance matérielle s’intensifie : les infrastructures numériques requises pour entraîner et faire fonctionner ces modèles consomment énergie, eau et métaux en quantités croissantes.
Chez Sayari, nous croyons qu’il n’y a pas de durabilité sans mesure.
C’est pourquoi nous mettons la science au service des décisions — pour que les choix industriels, économiques et politiques puissent s’appuyer sur des données robustes, transparentes et comparables.
Les métaux, une pression émergente sur les écosystèmes
La transition vers une économie décarbonée dépend des métaux : ils sont présents partout, dans les batteries, les panneaux solaires, les éoliennes, les véhicules électriques, les câbles, les serveurs, les smartphones… Mais cette transition matérielle crée une nouvelle pression sur les écosystèmes.
Ordres de grandeur
L’exploitation minière mobilise d’importantes quantités de terre et d’eau, libère des métaux lourds et d’autres polluants, et modifie durablement les paysages. Dans certains pays, elle s’ajoute à des fragilités écologiques déjà fortes.
Les émissions CO2 de différents métaux de base sont développées en Figure 1 :

Plus largement, une analyse de cycle de vie réalisée par l’ADEME sur l’ensemble des usages numériques en France nous apprend qu’à l’échelle française, les équipements et infrastructures numériques sont responsables de 10% de la consommation électrique de la France et de 2,5% de l’empreinte carbone.
Les entreprises engagées dans la transition numérique font donc face à une question essentielle : comment réduire les impacts sur la biodiversité quand la chaîne de valeur est mondiale et les données incomplètes ?
Pour répondre, il faut de la rigueur scientifique, des outils de mesure adaptés et une compréhension fine des interactions entre activités humaines et milieux naturels. C’est précisément le rôle de Sayari.
Numérique et IA : une empreinte bien réelle
Alors que l’intelligence artificielle s’impose comme moteur de la transformation numérique, son empreinte environnementale devient un sujet majeur de débat.
Les modèles d’IA, souvent perçus comme “immatériels”, mobilisent pourtant d’importantes ressources physiques : serveurs, cartes graphiques, infrastructures de refroidissement — donc métaux, énergie et eau.
🔍 Ce que montre l’étude récente de Mistral AI
En 2025, Mistral AI a publié une analyse complète de l’empreinte environnementale de son modèle de langage Mistral Large 2, en adoptant une approche de cycle de vie complet (entraînement + inférence).
Quelques chiffres clés issus de cette étude :
- Émissions de gaz à effet de serre (GES) : 20,4 kilotonnes de CO₂ équivalent pour l’entraînement, sur 18 mois d’usage ;
- Consommation d’eau : 281 000 m³ ;
- Épuisement des ressources abiotiques : 660 kg équivalent antimoine (Sb eq), indicateur de l’utilisation de ressources non renouvelables — dont les métaux et minéraux entrant dans la fabrication des serveurs et composants électroniques ;
- À l’inférence (une requête d’environ 400 tokens, via “Le Chat”) : 1,14 g CO₂e, 45 mL d’eau, 0,16 mg Sb eq par requête.
Ces données traduisent une avancée importante : pour la première fois, un acteur majeur de l’IA rend publique une évaluation environnementale complète, incluant non seulement les émissions de CO₂ mais aussi la consommation d’eau et les ressources abiotiques — là où la plupart des analyses se limitent à l’énergie.
⚠️ Mais cette étude reste partielle
L’indicateur “épuisement des ressources abiotiques” (ADP) intègre bien la question des métaux, mais sans préciser quels métaux, ni où ils sont extraits, ni quels écosystèmes sont affectés.
L’étude ne relie donc pas encore ces flux matériels à la biodiversité — un chaînon essentiel pour comprendre l’impact réel du numérique sur le vivant.
✔️ Ce que cela révèle
Cette publication illustre une tendance de fond :
les acteurs du numérique — y compris ceux de l’IA — commencent à mesurer leurs impacts environnementaux selon une approche de cycle de vie.
Mais la dimension “métaux et biodiversité” reste encore largement sous-évaluée.
C’est précisément là que Sayari apporte une valeur unique : en reliant les flux matériels (cuivre, cobalt, aluminium, lithium, etc.) à leurs effets sur les écosystèmes, et en offrant des clés de décision fondées sur la science.
Mesurer pour agir : la méthode Sayari
Depuis plus d’une décennie, Sayari relie les connaissances scientifiques et la décision opérationnelle.
Nos équipes, expertes en analyse du cycle de vie (ACV) et en évaluation des impacts sur la biodiversité, ont développé une méthode spécifique pour évaluer l’impact du sourcing des métaux.
Cette méthode repose sur trois principes clés :
- Une approche cycle de vie complète
Elle prend en compte l’ensemble du processus, de l’extraction à la production secondaire (recyclage), pour évaluer le Biodiversity Impact Score (BIS) de chaque métal. - Une pondération par la vulnérabilité des écosystèmes
L’impact d’une pollution ou d’un changement d’usage du sol dépend du lieu où il se produit. Notre méthode intègre cette variabilité en croisant les pressions exercées et la sensibilité écologique locale. - Une évaluation de la qualité des données
Chaque résultat est accompagné d’un indice de confiance, pour encourager la transparence et le progrès continu dans la qualité des inventaires.
Grâce à cette approche, les entreprises peuvent identifier les leviers d’action prioritaires, comparer les filières (primaires vs recyclées), et intégrer la biodiversité dans leurs décisions d’achat, d’écoconception et de stratégie RSE.

Un cas concret : la collaboration avec L’Oréal
En 2024, Sayari a appliqué cette méthode à un cas industriel : l’évaluation de l’impact biodiversité des devices beauté de L’Oréal.
L’objectif : comprendre comment les matériaux utilisés — notamment l’aluminium, le cuivre et le cobalt — influent sur les écosystèmes, et comment des alternatives ou des filières recyclées peuvent réduire ces impacts.
Pour illustrer ce propos, nous présentons le résultat d’une mine de Cobalt au Maroc, qui a été étudiée en dehors de la collaboration avec L’Oréal :

Cette collaboration a permis à L’Oréal de (cf. Figure 4) :
• Prioriser ses actions sur les matériaux les plus sensibles ;
• Comparer les filières de production ;
• Intégrer la biodiversité dans ses indicateurs de performance, aux côtés du climat et des ressources.
Ce travail illustre une conviction partagée : la biodiversité doit devenir un critère à part entière dans les décisions industrielles, au même titre que le carbone.

Vers une économie éclairée par la science
Bien que la plupart des initiatives actuelles pour le sourcing des métaux se focalise sur la réduction des émissions de CO2, quelques propositions sont développées afin de prendre en compte les questions de biodiversité. Parmi elles, on peut citer :
- Conseil International des Mines et des Métaux (ICMM): le projet “Achieving No Net Loss or Net Gain of Biodiversity” consiste à évaluer et à traiter les risques et les impacts significatifs sur la biodiversité et les services écosystémiques afin d’éviter et de minimiser les impacts, de restaurer les zones touchées et, enfin, de compenser les impacts résiduels afin d’atteindre un minimum de pertes nettes/gains nets de biodiversité à la fin de la fermeture.
- Responsible Mining Foundation (RMF) : établissement d’un Responsible Mining Index (RMI) jusqu’à 2022, qui évaluait la performance de grandes entreprises minières avec entre autres des indicateurs liés à la biodiversité et aux écosystèmes.
- WWF : le rapport « Critical Minerals at a Critical Moment » publié en mai 2025 évalue le risque que la hausse de demande en minerais fait peser sur la nature, et fournit des recommandations politiques.
Cependant, l’évaluation de l’impact biodiversité du sourcing des métaux n’est qu’une première étape.
La méthode développée par Sayari s’inscrit dans une dynamique internationale :
- Contribution à la future méthode PEF (Product Environmental Footprint) de la Commission européenne ;
- Participation à la Life Cycle Initiative des Nations Unies ;
- Collaborations avec des filières industrielles, des ONG et des institutions publiques.
Notre ambition : permettre à chaque acteur — entreprise, collectivité, décideur — de fonder ses choix sur la connaissance scientifique. Parce que seule une approche fondée sur la mesure et la rigueur peut garantir des décisions réellement durables.
Science for decision making
La transition numérique et la transition écologique ne peuvent plus être pensées séparément.
Les technologies qui transforment nos vies vont progressivement s’ancrer dans le respect du vivant.
Chez Sayari, nous plaçons la science au cœur de la décision.
Pour que chaque donnée, chaque méthode, chaque évaluation contribue à un avenir où le progrès technologique et la biodiversité ne s’opposent plus, mais avancent ensemble.
Sources bibliographiques
RÉSUMÉ À L’INTENTION DES DÉCIDEURS DU RAPPORT DE L’ÉVALUATION MONDIALE DE L’IPBES DE LA BIODIVERSITÉ ET DES SERVICES ÉCOSYSTÉMIQUES – IPBES, 2019
Haut-commissariat à la stratégie et au plan – Note d’analyse 96, Comment évaluer l’externalité carbone des métaux, 2020
Mistral AI – Notre contribution pour la création d’un standard environnemental mondial pour l’IA, https://mistral.ai/fr/news/our-contribution-to-a-global-environmental-standard-for-ai consulté le 20/10/2025
ICMM – Achieving No Net Loss or Net Gain of Biodiversity – Good Practice Guide, Mars 2025
Responsible Mining Foundation – RMI Report 2022
WWF – Critical Minerals at a Critical Moment, Mai 2025
Membre du Comité consultatif technique du PEF (Product Environmental Footprint).
Membre du comité des partenaires de l’affichage environnemental
